SIGUMANNA (ANNOT) du 5ème au 11ème siècle
Organisation de la société. La chapelle primitive de Vers-la-Ville.
Moeurs et cataclysmes. Le chaos ou la dévastation. Reconstruction de la cité dans la vallée. Eglise.
Avant la descente des premiers "Sigumannenc" dans la vallée (lieu actuel), la vie de la communauté appelée dans les anciens textes "Sigumanna" (petit marais)) reste très opaque.
"Des fouilles ont été faites autour de l'Eglise de Notre Dame de Vers-la-Ville à diverses époques et constatent l'existence d'un cimetière y attenant, des restes de bâtisses et fortifications qu'on y rencontra ; les parois de certains rochers percés de plusieurs rangées de trous carrés et régulièrement disposés pour recevoir les poutres des maisons qui leur étaient adossées, des blocs de roches détachés de la montagne et partout des traces de maçonneries ; de nombreuses marches d'escaliers taillées dans les rochers ; un peu plus loin, les ruines connues aujourd'hui sous le nom de "Chambro dou Rei" ne laissent aucun doute sur l'existence de l'ancienne ville dans ces hauteurs ; c'est là, paraît-il que la justice était rendue. De plus, la chambre du Roi présente un enfoncement creusé dans le roc, dans lequel on arrive par des marches également taillées dans le rocher ; seraient-ce les restes d'une ancienne forteresse ou le logement d'un seigneur, d'où son nom, officier de robe et d'épée ou peut-être une ancienne prison pour les malfaiteurs ?"
(Histoire et géographie de Basses-Alpes ; Abbé Féraud, 2ème édition 1861)
Quant à l'église de N-Dame de Vers-la-Ville, en place du premier village, sa construction remonte au 12ème siècle, mais elle a été reconstruite sur les ruines d'une chapelle antique, que nous n'avons pu dater et peut-être démolie lors d'un cataclysme qui a formé ce chaos unique de blocs de grès parfois gigantesques pouvant dépasser 5000 m3.
Une autre hypoyhèse toute aussi plausible est étayée par certains rochers qui sont calcinés sur plusieurs dizaines de mètres de hauteur et qui ont encore la couleur "rosée" de l'intérieur des vieilles cheminées de grès, comme c'est le cas chez Claude Troin à Vers-la-Ville ; cette hypothèse serait l'invasion du village de Sigumanna (Vers-la-Ville) et sa razzia par l'armée du roi de France Louis VIII, suivies de l'incendie gigantesque des abris sous-roches (dont les structures de finitions étaient en bois de châtaignier). En résumé, est-ce à cause du cataclysme, (tremblement de terre ou effondrement dû à l'érosion de la barre rocheuse) ou bien d'une razzia et incendie du village, que nos ancêtres établis en tribus autour de l'église de Vers-la-Ville sont descendus s'installer dans la vallée? Nul ne le sait à ce jour, et on en est réduit à ces deux hypothèses . S'il est impossible de dater précisément cet "exil" dans la vallée, nous détenons cependant plusieurs éléments, que nous allons examiner.
Les fondations de l'actuelle église paroissiale d'Annot sont datées de l'an mille ; d'autre part, les termes de la donation en 1042 du Seigneur du lieu "Hermérencus de Anoth" à l'Abbaye St Victor de Marseille sont éloquents:
"L'autorité évangélique et les préceptes divins nous font un devoir d'acquérir les biens célestes en échange des biens terrestres, les biens éternels en échange des biens passagers ; c'est pourquoi, NOUS, HERMERENCUS et son frère PONS, SYLVAIN, HUGUES et MILON et ses frères PONS, SULPICE et sa femme GERONDE avec ses fils GUY, BERTRAND, LEONCE,GRIFON et PONS ; ANTONIN, GIRONCOLE, AUTRAN, PONS et ATANULFE et leur mère ERMENGARDE. NOUS tous, pour la rédemption de nos âmes et de nos pères et de nos mères et de tous nos parents… et pour que DIEU tout puissant nous donne la rémission de tous nos péchés, nous donnons au monastère Saint VICTOR MARTYR de Marseille et aussi aux moines qui y servent DIEU, tant présents que futurs, c'est à dire l'église dédiée en l'honneur de Saint PONS martyr, qui se trouve au territoire appelé SIGUMANNA"...
(Cartulaire de l'Abbaye St Victor de Marseille: Guérard, tome 2, page 128, n° 779, page 218,n° 844.)
Il s'ensuit une longue liste de territoires, champs, domaines, châteaux, forêts, chevaux et troupeaux…. Bref, cette noble famille de seigneurs ancestraux du pays d'Anoth, faisait donation de tout ce qu'elle possédait et renonçait pour toujours à son fief !!!
Quand on connaît au contraire les mœurs vindicatives et dominatrices des petits seigneurs, notamment en cette sombre période du moyen-âge, cela nous laisse rêveur et tous ces termes nous laissent à penser que ce Seigneur se tenait peut-être pour responsable devant Dieu d'une colère divine telle qu'elle justifiait qu'il se dégageât de tous ses biens matériels pour en faire don à un monastère… L'effondrement de la barre rocheuse et la destruction de l'ancien village et de son église en sont-ils les raisons et les motivations symboliques ...?Ou bien pensa-t-il que la destruction, la ruine et l'incendie de son fief par l'armée française étaient le signal divin de sa déchéance personnelle et qu'il fallait léguer ses biens à ce monastère "en rémission de ses fautes"...?
Nous détenons également par ce texte la preuve que l'église dédiée à St Pons (actuelle église d'Annot) était achevée en 1042 ; en conséquence, il y avait donc déjà une communauté à cette époque, au fond de la vallée, au confluent du "flumen Vaïra" (la Vaïre) et la "rivière qui descend de Cala" (la Beïte ou le Coulomp? - ces deux termes sont employés dans le document sus-cité).
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L'arrivée du chemin à la chapelle N-D de Vers-la-Ville et l'entrée du domaine des Templiers - et vraisemblablement avant eux, les moines de l'Abbaye St Victor de Marseille et les Seigneurs locaux ( Hermérincus et ses ancêtres). |
Cette paroi massive mesure environ 40 mètres de hauteur. Nous pouvons constater sur la photo de droite au milieu des trous d'appuis des poutres des anciennes charpentes (voir la flêche), les marques évidentes d'incendies ayant jauni le grès. D'autre part, nous trouvons sous le rocher supérieur (servant de toiture naturelle), à l'abri des intempéries depuis des siècles, les marques noirâtres des suies résultants de l'incendie. Le haut de la faille centrale laisse encore apparaître un ancien mur et une poutre soutenant un plancher. Tous ces vestiges, à 40 mètres du sol, nous laissent imaginer le bâtiment primitif du haut moyen-âge (pèriode comprise entre les 5èmes et 10 èmes siècles) |
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Les caniveaux taillés dans les rochers pour recueillir les eaux pluviales sont nombreux, mais ils avaient une autre fonction, celle d'éviter d'inonder les escaliers d'entrées des maisons sous-roches |
Les "rigoles-gouttières" situées au-dessus des anciennes toitures permettaient de canaliser les eaux pluviales, évitant ainsi de mouiller les murs intérieurs des maisons et abris sous-roches. |
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...d'anciens murs de constructions, adossés au rocher...
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Un bâtiment était construit sur cet énorme rocher (plus de 20 mètres de haut) ; sans doute pour des raisons stratégiques.
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Un bassin fut taillé à même le roc pour recueillir les eaux pluviales.
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Au temps jadis, alors qu'un bâtiment était construit sur ce rocher, cet escalier, taillé dans le roc, était intérieur...
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Ruines du haut moyen-âge
: entrée et linteau de porte
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Les mêmes ruines : ici, peut-être d'anciennes latrines, situées au-dessus d'un ravin d'eau vive...
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